Première lecture pour moi de cette auteure, Jo Witek, pourtant reconnue depuis quelques années comme une auteure importante de la littérature jeunesse. Je découvre ici un roman pour adolescent, mais je dirais presque aussi pour jeunes adultes.
C’est un roman pour ceux qui se cherchent, ou qui ne se cherchent plus mais apprécient de revivre cette innocence, l’expérience des premières fois. Car c’est ce dont il est question dans ce livre. Des premières fois multiples que nous expérimentons à la sortie de l’adolescence.
Premier arrêt avant l’avenir raconte l’histoire de Pierre un jeune très doué, ayant obtenu des aides nombreuses de l’état pour intégrer une grande prépa à Paris, qui le mènera ensuite vers les grandes écoles. Un jeune d’origine ouvrière, d’une famille ayant peu de moyens, qui fait un pied de nez à Bourdieu en lui montrant que nous ne sommes pas tous conditionnés à devenir comme nos parents.
Ce jeune est donc dans le train pour la première fois. Il va en direction de Paris, vivre dans un internat et étudier sans s’arrêter, loin de sa famille pour la première fois aussi. Il va rencontrer une fille fascinante, avec qui parler n’est pas une difficulté, et de qui il va tomber amoureux, pour la première fois enfin. Mais cette fille il n’a que 40 minutes pour lui parler, ensuite elle change de train, va à Marseille. Lui, on l’a déjà dit, va à Paris. Quelle sera la décision de Pierre ? Suivre une fille qu’il ne connaît que depuis une heure, ou suivre sa route vers Paris et son stage de « rattrapage culturel » ?
Peu importe sa décision après tout car ce voyage en train changera sa vie pour toujours, que cela soit en allant à Paris ou à Marseille. Car l’université c’est aussi devenir adulte, expérimenter un nombre fou de première fois et découvrir la « vraie vie ».
Voilà d’ailleurs un extrait de ce livre qui parle de la « vraie vie » que vit Pierre :
« Il est dans une carte postale, dans un film, une comédie romantique, en tous cas il n’est pas dans la « vraie vie », comme disent les adultes quand ils reprochent aux ados ce temps gâché devant les écrans. Ou alors il vient de passer dans une dimension parallèle. Une autre vraie vie, une vraie vie de première classe, celle qui donne envie d’embrasser la terre entière, de vivre en slip sous un tipi, de quitter les villes pour rejoindre les forêts, de s’accorder aux éléments, de se caler sur le souffle du vent. Si ce présent idyllique existe, il vient d’y goûter et il a peur désormais de ne plus savoir se contenter du reste. »
Ce personnage, Pierre, est d’ailleurs très bien développé dans le livre. Au début on voit un jeune naïf et asocial qui n’est jamais sorti de sa campagne et a su se débrouiller grâce à l’apprentissage par cœur des leçons. Mais plus on avance dans l’histoire, plus on découvre un personnage complexe, qui ne fait pas qu’avaler des connaissances car il les réutilise à bon escient dans la réalité du monde. Et enfin il est capable de se lier à des gens à partir du moment où ils ont les mêmes intérêts. Il a d’ailleurs été surpris lui même de ce dernier point, se pensant solitaire, se découvrant bien au sein d’un groupe qui le fait grandir.
Un beau roman d’apprentissage, qui évoque aussi cette nouvelle génération, la génération Z. Celle qui reçoit en héritage de ses ancêtres, une terre en souffrance, un monde pollué, des peuples très pauvres, et en grand écart avec ce 1 % de riches qui détient les richesses de la terre. Et qui se fiche bien de la détruire. Ce livre parle aussi de la permanence, des choses qui restent depuis des années pareilles parce qu’elles ont fonctionné à un moment alors pourquoi changer. Attention il ne donne pas les solutions, c’est un roman après tout, mais c’est comme un roman avec qui on discute en fin de soirée autour d’un verre en refaisant le monde. Un peu idyllique mais très poétique.
Si vous êtes des rêveur, des constructeurs du monde de demain, des jeunes de cette génération Z, alors lisez ce livre. Continuez de rêver.
